L’école laïque, l’école « sans Dieu » est la perte des générations futures. L’enfant, qu’aucun frein n’arrête plus, ne peut prendre les saines habitudes auxquelles l’inclinait la crainte de Dieu. L’école laïque a détruit la moralité.
Voilà l’expression résumée des doléances et récriminations des gens bien pensants
Et cela s’explique : depuis longtemps ~ depuis toujours ~ les pères de famille catholiques ~ et parfois pratiquants ~ élèvent leurs enfants dans la crainte salutaire du Dieu Suprême. C’est, en effet, très commode. Cela rend moins fréquemment nécessaire l’emploi du martinet ; et je sais plus d’un enfant pour qui Dieu n’est, en somme, que le suprême père Fouettard. Il est vrai qu’une fois par an il se transforme en père Noël généreux. Du reste, et fort heureusement pour la logique, l’identité des deux personnages n’est pas très absolue pour nos marmots. C’est bien le même, certainement, mais les deux incarnations diffèrent tant cependant. Et puis, père Noël se fait désirer tout un an et ne vient qu’une petite fois ! Tandis qu’à chaque instant le bambin s’entend dire : « Si tu fais cela, Dieu te punira. Le bon Dieu te voit, et il sait quand tu fais mal. » Moi-même, j’ai cru pendant très longtemps au registre du grand St. Pierre ~ registre où chacun avait sa page, divisée en deux parties, l’une pour les péchés, l’autre pour les bonnes actions ~ doit et avoir. Au jour du jugement, le bon Saint devait faire la balance, et si les péchés l’emportaient, on payait tout cela en bloc.
Dans ce genre d’éducation, Dieu intervient à tout propos, se mêle à tout, non sans laisser quelque peu de sa dignité aux buissons de la route ! Le petit garçon a trop mangé, il a été malade ; c’est le bon Dieu qui l’a puni. Jusqu’à l’enfer dont on use et abuse : ceux qui auront menti seront condamnés à lécher durant l’éternité une pelle rougie au feu.
Cette conception qui fait de Dieu une main armée d’un fouet, a une conséquence : quand l’enfant fera bien, ce sera uniquement par crainte du châtiment
C’est beaucoup mieux que rien, j’en conviens. D’ailleurs, toute son éducation, en dehors même de la religion, est basée sur le même principe. Bébé connaît les choses pour lesquelles on est fouetté, et celles pour lesquelles on a un gâteau. A quatre ans cela n’a pas grand inconvénient. Mais Bébé grandit, et les procédés restent les mêmes. Et voilà qu’apparaît l’immoralité flagrante du système. Il n’y a ni bonnes, ni mauvaises actions, il y a seulement des actes qui sont punis, et d’autres qui ne le sont pas. Donc est seul mauvais l’acte ordinairement puni. Mais alors ? Si dans telle circonstance le châtiment peut être évité, qui empêchera l’enfant de commettre l’acte mauvais ? Et puis quelle dignité que celle de l’homme qui reste dans le droit chemin, comme les moutons, par peur du chien !
Nous, maîtres sans morale d’une école sans Dieu, nous faisons autre chose
Dès que l’enfant peut comprendre, nous tâchons d’éclairer sa conscience. Puis nous lui disons :
Tu es libre, mais cette liberté est ce qui t’engage ; ton voisin est libre comme toi. Respecte en lui cette liberté que tu chéris ; n’y porte jamais atteinte, si tu veux avoir le droit d’exiger toujours le maintien de la tienne.
Nous lui disons encore :
Tu es libre, et c’est ce qui t’élève. Tu sais juger, selon tes forces. Eh bien, juge toi-même si tu as le droit de t’abaisser. En deux mots, voici ce qu’est la vie : c’est une route fort belle, mais escarpée, toujours plus belle et plus escarpée à mesure qu’on monte. Tu es libre, suis le chemin bien droit, ou égare-toi sur le bord, à ton gré ; mais si tu tombes, tu l’auras voulu ; tu perdras, par ta seule volonté, ton estime et celle des autres.
Et sais-tu quel est ton Dieu ? C’est l’idéal de justice et de bonté que tu essaieras d’atteindre. Tu le peux. La route est devant toi. Je t’ai montré le chemin : va, et garde-toi du mal.
M.B.
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